Nous évoluons dans des organisations gouvernées en profondeur par les expériences journalières que nous traversons et les émotions qui en résultent : Joie, tristesse, confiance, dégoût, peur, colère, surprise, anticipation… Dans une dynamique de groupe, imaginez la juxtaposition qui se produit avec un tas pareil d’émotions, tout en provoquant des actions, des réactions et des rétroactions à travers les interactions interpersonnelles. Ceci donne ce qu’on pourrait appeler des réseaux émotionnels nourris par des expériences interpersonnelles et collectives. D’autant que les expériences s’interconnectent massivement, non uniquement dans des schémas manager-collaborateur, mais aussi dans des configurations collaborateur-collaborateur.
Acteur majeur de la construction de ces expériences et des réseaux émotionnels derrière, le manager a la possibilité de jouer un rôle incontournable pour motiver et engager ses collaborateurs. Cette possibilité ne peut aboutir que par une bonne compréhension de la nature humaine : Chacun ambitionne de chercher et de construire des émotions à travers des relations humaines tout en faisant partie d’une «expérience collective». Chacun a aussi besoin d’attention et de personnes attentionnées à son égard. C’est bien la nature fondamentale de l’être humain. Si vous souhaitez allez plus loin dans l’engagement de vos collaborateurs, une brique fondamentale est nécessaire : il s’agit de considérer cette nature et de la cultiver. La preuve : L’effet Hawthorne !
L’effet Hawthorne est relatif à une conclusion majeure des travaux d’Elton Mayo, professeur à la Harvard Business School. Ce dernier a entrepris des travaux d’analyse au sein d’une usine de Western Electric (appartenant à Bell Telephone Company) dans une localité proche de Chicago nommée Hawthorne. Cette entreprise a fait appel à Mayo pour entrevoir les raisons qui font que la mise en place de méthodes d’organisation scientifique du travail n’a pas donné les retombées escomptées en matière de productivité des employés. Ce qui est vraiment particulier par rapport aux travaux d’Elton Mayo est bien le fait qu’ils constituaient une rupture avec les courants de pensée bien en vogue à l’époque (début du 20e siècle), à savoir ceux de Frederick Winslow Taylor , dont les arguments sont plus centrés sur des méthodes que les «salariés» peuvent adopter pour améliorer leur performance.
L’argument de Mayo a été plutôt axé autour du fait que la performance est surtout une résultante des relations «sociales» et de l’environnement «collectif» dans lequel chaque individu évolue. Avec 23.000 ouvriers interviewés, les travaux de Mayo ont été les plus larges et les plus documentés dans ce type de projet au début du 20e siècle. Les recherches avaient l’ambition d'identifier l’impact de certaines conditions de travail sur la productivité des employés. Ces conditions incluaient l’éclairage, la répartition des pauses et des repas… L’amélioration de ces conditions a bien eu un effet positif sur la productivité (d’environ 30%), mais ce qui a été très étonnant est le fait que les groupes «témoins» ou ceux qui ont même eu des dégradations de ces conditions ont aussi eu une amélioration de leur productivité.
Le casse-tête a été résolu par Mayo en approfondissant encore plus les travaux avec des analyses qui ont conclu que le sentiment que les employés ont eu par rapport au fait qu’ils faisaient partie de l’expérience et l’attention qu’on leur prêtait sont les facteurs qui ont fait qu’il y a eu une augmentation de la productivité. D’autant plus que, et selon Mayo, «Le désir d'être bien avec ses collègues de travail, ce qu'on appelle l'instinct humain d'association, l'emporte facilement sur le simple intérêt individuel et la logique des raisonnements sur lesquels tant de faux principes de direction se sont fondés».
Ces paroles ont marqué un tournant remarquable dans la conception des organisations et elles ont le mérite de dessiner des réflexions qui ont bâti le management «moderne» des organisations. Ce qui est impressionnant par rapport aux travaux de Mayo est que nous retrouvons encore et souvent, presque 100 ans après, ses idées clés dans des concepts qui font le buzz, et ce, sous des noms différents, et qu’on a l’impression qu’ils ne sont créés que récemment : management participatif, leadership inclusif, expérience collaborative…
Un apprentissage majeur à retenir de l’effet de Hawthorne est que la motivation de vos collaborateurs passe tout d’abord par l’attention que vous leur accordez. Vos gestes attentionnés feront la différence. Ceci peut se traduire par plusieurs actes journaliers qui font que cette attention provoque des émotions de satisfaction au niveau de ces collaborateurs. Tant que cette attention est aussi renforcée par une expérience impliquant le groupe dans une démarche collective, tant que la contagion relative au sentiment de satisfaction et de motivation devient de plus en plus importante.
Par Farid Yandouz
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