Connaissez-vous le degré de motivation et d’engagement de vos collaborateurs et de vos collègues dans votre entreprise ? Et pour le cas des autres organisations, savez-vous à quel degré vos amis s’épanouissent ou pas dans la réalisation de leurs tâches et dans leurs relations avec leurs supérieurs ? Les baromètres internationaux sont unanimes par rapport aux réponses à ces questions, et malheureusement le taux de désengagement est extrêmement élevé. Ce taux dépasse les 83% selon, à titre d’exemple, le prestigieux rapport annuel de Gallup’s State of the Global Workplace, qui suit l’engagement des employés dans 140 pays avec plus de 200.000 personnes sondées. Les chiffres de ce rapport diffèrent, bien entendu, d’un pays à un autre, mais le constat est généralisé avec certaines variations (67% aux États-Unis, 93% au Royaume-Uni…). Le chiffre le plus frappant dans ce rapport est que l’entreprise qui enregistre le plus haut degré d’engagement, son taux est de 30%. Ceci veut dire que l’écart entre la moyenne et la meilleure réalisation est excessivement élevé, et que le renforcement de l’engagement est possible et non hypothétique, comme il y a certaines entreprises qui arrivent avec succès bien qu’elles ne soient pas nombreuses.
Ces chiffres peuvent choquer, mais ce qui choque le plus est le fait que plusieurs entreprises soient dans le déni du désengagement ou de ses conséquences pour plusieurs raisons. Certaines vivent le désengagement en tant que maladie chronique à laquelle elles s’habitent et se convainquent que c’est un mal nécessaire. D’autres sont dans l’acceptation du désengagement comme elles se disent que toutes les entreprises sont dans ce cas et qu’il n’est pas nécessaire de faire quelque chose contre un phénomène global, et qu’il vaudrait mieux consacrer leur énergie au non-humain pour créer l’avantage concurrentiel : meilleurs circuits d’approvisionnement, meilleurs circuits de distribution, meilleurs outils, meilleurs moyens de financement, meilleure planification… Ces pratiques peuvent marcher ponctuellement, mais n’arrivent jamais à pérenniser le développement de l’entreprise. Le cabinet de consulting en conduite de changement Kotter International confirme que les entreprises avec des employés engagés sont en mesure d’assurer 5 fois plus de retours sur investissement par rapport aux entreprises avec des employés désengagés.
À quelques exceptions près, la démotivation et le désengagement rongent les organisations de l’intérieur sans qu’elles y fassent attention explicitement. Dans le meilleur des cas, les entreprises élaborent des sondages annuels avec des appellations très attractives (Global People Survey, HR Survey, Sondage sur le climat social…).
Ces sondages sont techniquement bons, mais l’utilisation de leurs résultats ne l’est pas du tout. Le problème avec ces sondages est qu’on se contente des appellations et des effets d’annonce au lieu de passer à des actions concrètes liant la démotivation aux maladies chroniques de l’organisation, et au renforcement de l’engagement vis-à-vis des projets de transformation. Dans plusieurs cas, ces exercices peuvent plus démotiver les collaborateurs que les motiver en les écoutant. Un des témoignages que je viens d’avoir de la part d’un cadre supérieur est très percutant et renforce le malaise du désengagement : travaillant au sein de la direction Organisation d’une multinationale spécialisée dans les services d’assainissement, il affirme «On nous demande souvent de remplir des sondages sur notre avis par rapport au climat social, et on ne sait pas ce qu’ils font avec. On ne remplit ces sondages que par obligation, et je doute de la qualité de l’information que la direction RH reçoit». La leçon à retenir est importante et simple, ne demandez pas l’avis de vos collaborateurs si vous n’allez pas le prendre en considération, et si vous n’allez pas revenir vers eux avec des actions qui leur concernent. Il est important d’associer toute tentative de mesure de l’engagement des collaborateurs à un ensemble de pratiques :
Comparer les résultats intra-entreprise à un benchmark inter-entreprise, tel que celui de Trusted Advisors, qui sera en mesure de vous indiquer votre performance organisationnelle et son évolution en la comparant aux autres acteurs agissant dans un environnement similaire
Communiquer les résultats d’une manière transparente en les situant dans le contexte inter-entreprise. Ceci ne suppose pas une communication «froide» à travers des affiches et des procédés unidirectionnels, mais plus une communication «chaude» en désignant des acteurs pour assurer la diffusion régulière des indicateurs d’engagement/désengagement. Ces acteurs doivent aussi assurer une communication des remontées des collaborateurs par rapport au renforcement de leur engagement et celui de leurs collègues
Reconnaitre que l’engagement ou le désengagement ne sont pas culturels ni uniformes dans toute l’organisation, et pousser des équipes et des départements à montrer et à communiquer les réussites de projets reflétant un engagement massif de leurs collaborateurs
Ne pas se précipiter à blâmer les comportements humains en identifiant les freins à l’engagement et en retirant les barrières en termes de processus, compétences, rythme de travail, systèmes de contrôle de la performance, couches hiérarchiques, liens de reporting…
Ces pratiques peuvent être entamées d’une façon structurante dans des programmes de transformation, mais peuvent aussi correspondre à un travail départemental au niveau de chaque division ou unité. Bâtir l’engagement est un travail incrémental sur des années, et non le résultat d’un «show» de quelques minutes dans une convention des cadres. Les pratiques décrites ci-dessous peuvent se faire avec des ressources internes ou externes et donner des résultats très intéressants. Afin d’aller dans la profondeur des sources du désengagement, il est important de s’adosser à des consultants qui sont détachés culturellement et émotionnellement de l’organisation. Ces derniers sont d’une utilité incontournable pour déchiffrer les maladies chroniques comme : le manque de vision et carence en termes des valeurs partagées ; le manque d’orientation stratégique ; la faible synergie et manque d’harmonisation entre les départements ; le mauvais style de management vis-à-vis des contextes organisationnels (top management, managers intermédiaires ou managers de proximité) ; les savoir-faire inadéquats ou dépassés ; et le manque de confiance intra et inter-départements et les valeurs qui n’égalent pas les habitudes.
Par Farid Yandouz
Comments